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DOCUMENTO 24. CARTA DATADA EN PARÍS, PROBABLEMENTE DE 1804, EN LA QUE ESCRIBE FANTASIOSAMENTE A UNA AMIGA (TERESA LAISNEY DE TRISTAN) SOBRE SUS PREOCUPACIONES JUVENILES Y SUS RELACIONES CON SIMÓN RODRÍGUEZ*

[París, 1804?]

[A la señora Teresa Laisney de Tristán]

Chére dame et amie:

Vous avez raison: si vous voulez savoir quelque chose de moi, il faut prendre le partí de m’écrire; de cette maniere je serai forcé de vous repondré, et ce me sera un travail agréable. Je dis travail, c’est le mot, car tout ce qui m’oblige à songer au même sujet seulement dix minutes, me fatigue la tête à me forcer de quitter la plume ou la conversation pour aller prendre l’air à la croisée.

Vous donneriez beaucoup, dites-vous, pour savoir qui a pu faire du pauvre petit Bolivar de Bilbao, si modeste, si studieux, si éco-nome, le Bolivar de la rue Vivienne [1], si frondeur, si paresseux, si prodigue? Oh! Thérésa, femme imprudente, à laquelle néanmoins je ne puis rien refuser, puisqu’elle a pleuré avec moi dans les jours de deuil; pourquoi voulez-vous pénétrer ce secret? Lorsque vous saurez le mot de l’énigme, vous ne croirez plus à la vertu. . .

Ah! il est affreux de ne plus croire à la vertu! Qui m’a méta-morphosé? hélas! une seule parole: parole magique que le sage Rodriguez n’aurait jamáis dû prononcer. Ecoutez, puisque vous voulez savoir

Vous vous rappelez l’état de tristesse dans lequel j’étais tombé lorsque je vous quittai pour aller rejoindre don Rodríguez à Vienne [2]. J’espérais beaucoup de la société de mon ami, du compagnon de mon enfance, du confident de toutes mes joies, de toutes mes peines, du mentor dont les conseils et les consolations ont toujours eu tant de puissance sur moi. Hélas! dans cette circonstance son amitié fut stérile. Don Rodríguez n’a jamais éprouvé d’amour que pour les sciences. Mes pleurs l’affectèrent parce qu’il m’aimait sincérement, mais il ne les comprit pas. Je le trouvai tout occupé d’un cabinet de physique et de chimie que formait un seigneur allemand, et dans lequel ees deux sciences devaient être demontrées, en assemblée publique par lui, don Rodriguez. A peine si je le voyais une heure chaque jour: quand je parvenais à le joindre, il me disait tout en courant: "Mon ami, amuse-toi, lie-toi avec des jeunes gens de ton âge, va au spectacle; enfin, il faut te distraire, c’est la seule maniàre de guérir". Je m’apercus alors qu’il manquait quelque chose à cet homme, le plus savant, le plus vertueux et sans contredit le plus extraordinaire qu’on puisse voir. Je tombai bientôt dans un tel état de consomption, que les médecins déclarèrent que j’allais mourir. C’était ce que je désirais. Une nuit que j’étais au plus mal, Rodriguez me veillait avec mon médecin: tous deux parlaient en allemand. Je ne comprenais pas un mot de ce qu’ils disaient, mais à leur accent, à leur physionomie, je m’apercus que leur conversation était très animée. Le docteur, après m’avoir bien examiné à plusieurs reprises, s’en alla. J’avais toute ma connaissance, et quoique très faible je pouvais soutenir encore une conversation. Rodriguez vint s’asseoir auprès de moi, il me parla avec cette bonté affectueuse qu’il m’a tou-jours témoignée dans toutes les circonstances graves de ma vie: il me reprocha doucement de me laisser mourir et de l’abandonner à moitié route. Il me fit comprendre qu’il y avait dans la vie d’un homme autre chose que de l’amour, et qu’on pouvait être très heureux par la science et l’ambition. Vous savez avec quel charme persuasif cet homme parle; il dirait les sophismes les plus absurdes, qu’on se sentirait entrainé à croire qu’il a raison. Il me persuada, comme il réussit toujours à le faire quand il le veut. Me voyant alors un peu mieux, il me laissa, et la journée du lendemain se passa dans de semblables exhortations. La nuit suivante, comme il me montait la tête en m’exaltant tout ce que je pourrais faire de beau, de grand, soit pour les sciences ou la liberté des peuples, je me mis à lui dire: Oui, sans doute, je sens comme vous que je pour­rais me lancer dans les brillantes carrières que vous ouvrez devant moi; mais pour cela il faudrait que je fusse riche: sans moyens d’exécution on ne vient à bout de rien; et loin d’être riche, je suis pauvre, malade, découragé. Ah! Rodriguez, je préfère mourir. . . Et je lui tendis la main pour le supplier de me laisser mourir en paix. Il se fit dans la physionomie de Rodriguez une révolution soudaine; il resta un instant incertain, comme un homme qui hesite sur le parti qu’il doit prendre; tout à coup, élevant les yeux et les niains vers le ciel, il s’écria d’une voix inspirée: "II est sauvé!" II s’approcha de moi, prit mes mains défaillantes dans les siennes, qui tremblaient et qui étaient toutes baignées de sueur, puis me dit avec un accent que je ne lui connaissais pas: "Ainsi, mon ami, si tu étais riche, tu consentiráis à vivre, dis?. . . Réponds. . . Ré-ponds-moi!..." Interdit, je ne savais ce que cela voulait diré: je répondis oui. Ah! s’écria-t-il encore, nous sommes sauvés! Enfin l’or sert done à quelque chose! Eh bien!: Simon Bolivar, vous êtes riche, vous avez actuellement quatre millions!... Je ne vous pein-drai pas, chère Thérésa, l’impression que me firent ces mots: vous avec actuellement quatre millions!. . . Toute splendide qu’est notre langue espagnole, elle est, comme toutes les autres, impuissante pour rendre de semblables émotions. Il est rare que les hommes les éprouvent; leurs mots répondent aux sensations ordinaires de ce monde, celle que je ressentis était surhumaine; je suis étonné que mon organisation y ait résisté.

Je m’arrête: le souvenir que je viens d’évoquer m’accable. Oh! que les richesses sont loin de donner les jouissances qu’elles font espérer! ... Je suis baigné de sueur et plus fatigué que je ne l’ai jamáis été après mes plus longues marches avec Rodriguez. Je vais me mettre dans le bain. J’irai vous prendre après diner pour aller aux Francais: [3] J’y mets toutefois la condition que vous ne me questionnerez pas, et je m’engage à continuer cette lettre après le spectacle.

SIMÓN BOLÍVAR.

Rodriguez ne m’avait pas abusé: j’avais bien réellement quatre millions; cet homme bizarre, qui est sans ordre pour ses propres affaires, qui fait des dettes partout et ne paie personne; qui souvent est réduit à manquer des choses les plus nécessaires; cet hom­me a géré la fortune que mon père m’a laissée, avec autant d’habileté que d’intégrité, et l’a augmentée d’un tiers. Il n’a dépensé pour moi, dans les huit années que j’ai été sous sa tutelle, que vingt-huit mille francs; certes, il a dû y mettre du sien; à dire vrai, la ma­nière dont il me faisait voyager était très économique, il n’a pas dû non plus avoir de forts mémoires à payer aux tailleurs pour mon costume, et mon instruction n’a pas été un objet de dépensé puisqu’il était mon maître universel.

Rodríguez pensait avoir fait naitre en moi des passions intellec-tuelles qui, orgueilleuses maitresses, conduiraient celles des sens en esclaves. Il avait été non moins effrayé de l’empire que prit sur moi mon premier amour que des douloureux regrets qui me menérent aux portes du tombeau, et se flattait que mon ancien dévouement aux sciences allait se développer avec les moyens d’y faire des dé-couvertes, et que la célébrité serait désormais la seule raison de mes pensées. Helas! le sage Rodríguez se trompait: il me jugeait trop d’aprés lui-méme. Je venáis d’atteindre vingt-un ans. Il ne pouvait guére continuer plus longtemps á me dissimuler ma fortune, mais il ne m’y eut initié que graduellement, j’en suis bien sur, si les circonstances ne l’eussent pas entrainé á m’en faire la révélation subite. Je n’avais jamáis désiré les richesses, elles me sont venues inattendues; je ne m’étais pas preparé á résister á la séduction de leurs jouissances, et je m’y suis abandonné en entier. Nous sommes tous les jouets du hasard, c’est á cette grande divinité, la seule que je reconnaisse, qu’il faut attribuer nos vices et nos vertus. Si elle n’eut pas jeté une immense fortune sur mon chemin, serviteur zélé de la science, ami enthousiaste de la liberté, la gloire eut été le seul objet de mes pensées, Fuñique but de ma vie. Les plaisirs ne m’ont méme captivé que d’une maniere superficielle, l’enivrement n’a pas été de durée, la satiété l’a suivi de prés. Vous dites aussi que je tiens plus au faste qu’au plaisir: j’en conviens. C’est, je crois, parce qu’il a un faux air de la gloire.

Rodríguez était loin d’approuver l’usage que je faisais de ma fortune. Il conçoit bien qu’on se ruine en instruments de physique, en expériences chimiques, mais il ne cessait de blámer les dépenses que je faisais pour ce qu’il appelle de niaises frivolités. Et des lors, oserai-je vous l’avouer, des lors les remontrances me devinrent a charge et je quittai Vienne pour y échapper. J’allai a Londres [4] et y dépensai cent cinquante mille francs en trois mois. Je me rendís ensuite a Madrid, oü je menai un train de prince; je fis de méme á Lisbonne5. Partout, enfin, j’étalai le plus grand luxe et prodiguai l’or á la simple apparence des plaisirs, mais au milieu de tous ees plaisirs, je restai froid.

Rassasié de toutes les grandes villes oú j’avais séjourné, je suis venu á París dans l’espoir que peut étre j’y pourrais trouver ce que je n’ai encoré rencontré nulle part, un genre cié vie á- ma con-venance. Mais Thérésa, je ne suis pas un homme comme tout le monde, et París n’est pas le lieu qui peut mettre un terme á la vague incertitude dont je suis tourmenté. II n’y a que trois semaines que j’y suis, et deja je m’ennuie".

Voilá, chére amie, tout ce que j’avais á vous diré sur le passé; quand au présent, il n’existe pas pour moi; c’est un vide complet, oü méme un désir ne peut naitre, et qui ne laisse aucune trace dans ma mémoire. Ce sera le désert de ma vie; á peine un léger vouloir effleure-t-il ma pensée, que j’y cede á l’instant, et ce que j’ai cru désirer n’est plus, quand je le posséde, qu’un objet de dégoüt. Les perpétuelles sic changements qu’améne le hasard viendront-ils ranimer ma vie? C’est ce que j’ignore; mais si cela n’arrive pas, je retomberai dans l’état de consomption dont Rodríguez m’a fait sortir en m’annongant que j’avais quatre millions. Ne croyez pas ce-pendant que je me casse la tete en vaines conjectures sur l’avenir; il n’y a que des fous qui s’égarent dans ees chimériques combinai-sons: on ne peut soumettre au calcul que les choses dont toutes les données sont connues: ce n’est qu’alors que le iugement, comme en mathématiques, peut se former d’une maniere süre.

Que’allez-vous penser de moi? dites-le moi avec franchise, cela ne me corrigera pas: il est tres peu d’hommes, je crois, qui soient corrigibles; mais comme il est toujours utile de se connaitre, de savoir ce qu’on peut espérer de soi, je m’estime heureux quand le hasard me fait rencontrer un ami qui me sert de miroir.

Adieu, j’irai diner demain avec vous.

SIMÓN BOLÍVAR.

Traducción.

[París, 1804?]

(A la señora Teresa Laisney de Tristán).

Querida señora y amiga: Tiene Vd. razón: si quiere saber algo de mí, es preciso que se resuelva, a escribirme; de esta manera me veré obligado a contestarle, lo cual será un trabajo agradable para mí. Digo trabajo, y es la palabra exacta, porque todo lo que me obliga a pensar en el mismo asunto, aunque sea sólo por diez minutos me fatiga la cabeza, hasta obligarme a dejar la pluma o la conversa­ción para tomar el aire en la ventana.

Daría, mucho, dice Vd., por saber quién ha podido hacer del "pobre chico Bolívar" de Bilbao, tan modesto, tan estudioso, tan "económico", el Bolívar de la calle Vivienne 1, tan murmurador, pe­rezoso y pródigo. ¡Oh! Teresa, mujer imprudente, a quien, no obs­tante, nada puedo negar, ya que ha llorado conmigo en los días de duelo; ¿por qué quiere Vd. imponerse de este secreto? Cuando sepa Vd. la clave del enigma, ya no creerá en la virtud. . .

¡Ah, cuan espantoso es dejar de creer en la virtud! ¿Quién me ha "metamorfoseado"? ¡Ay! Una sola "palabra", palabra mágica que el sabio Rodríguez no debía haber pronunciado jamás. Escuche, puesto que quiere saberlo.

Vd. recordará en qué estado de tristeza había yo caído cuando la dejé para ir a reunirme con Rodríguez en Viena2. Yo esperaba mucho del trato con mi amigo, con el compañero de mi infancia, el confidente de todas mis alegrías, de todas mis penas, el mentor cuyos consejos y consuelos han ejercido siempre tanto imperio so­bre mí. ¡Ay!, en esta circunstancia su amistad fue estéril. El único amor de Rodríguez han sido siempre las ciencias. Mis lágrimas lo afectaron porque él me quería sinceramente, pero no las compren­dió. Lo hallé muy ocupado con un gabinete de física y química que formaba un noble alemán y en el cual estas ciencias debían ser demostradas públicamente por Rodríguez. Yo lo veía apenas una hora al día. Cuando lograba reunirme con él, me decía muy de prisa: Mi amigo, diviértete, haz amistad con jóvenes de tu edad, vete al teatro; en fin, debes distraerte: es el único modo de curarte. Comprendí entonces que algo le faltaba a este hombre, el más sabio, el más virtuoso, y sin duda alguna, el más extraordinario que se pueda encontrar. Pronto caí en un estado tal de consunción que los médicos declararon que iba a morir. Era lo que yo deseaba. Una noche, estando yo muy mal, Rodríguez velaba a mi lado con mi médico; ambos hablaban en alemán. Yo no comprendía una pala­bra de lo que decían; pero, por su tono, por su fisonomía, me di cuenta de que su conversación era muy animada. El médico, des­pués de haberme examinado cuidadosamente varias veces, se mar­chó. Tenía todo mi conocimiento y, aunque muy débil, podía soste­ner todavía una conversación. Rodríguez se sentó cerca de mí. Me habló con esa bondad afectuosa que me ha manifestado siempre en todas las circunstancias graves de mi vida; me reconvino con dulzura que yo me dejase morir y lo abandonase en mitad del ca­mino. Me hizo comprender que el amor no lo era todo en la vida de un hombre, y que la ciencia y la ambición podían hacerle a uno muy feliz. Vd. sabe con qué persuasiva seducción habla este hom­bre; aunque dijera los sofismas más absurdos, uno se sentiría llevado a creer que tiene razón. Me persuadió, como consigue hacerlo siem­pre que quiere. Viéndome entonces un poco mejor, me dejó, y el día siguiente transcurrió con exhortaciones parecidas. Esa noche, mientras trataba de influenciarme exaltando mi imaginación con cuanto podría yo hacer de bello, de grande, sea por las ciencias o por la libertad de los pueblos, le dije: Sí, sin duda, yo siento como Vd. que podría lanzarme en las brillantes carreras que Vd. me pre­senta, pero para ello tendría que ser rico: sin medios de ejecución no se llega a nada; y lejos de ser rico, soy pobre, y estoy enfermo y abatido. ¡Ah! Rodríguez, prefiero morir!. . . Y le tendí la mano para suplicarle que me dejara morir tranquilo. Un cambio súbito se operó en la fisonomía de Rodríguez; quedóse por un instante in­deciso, como un hombre que vacila acerca del partido que debe to­mar. De repente, elevando los ojos y las manos al cielo, exclamó con voz inspirada: "¡Está salvo!" Se acercó a mí, tomó mis manos des­fallecientes entre las suyas que temblaban y estaban bañadas en sudor, y me dijo, con un tono de voz que no le conocía: "¿Así, mi amigo, si fueses rico consentirías en vivir? Di, responde, contésta­me!" Sorprendido, yo no sabía lo que esto significaba, y dije que sí. ¡Ah!, exclamó él otra vez: ¡estamos salvados! Por fin el oro sirve, pues, para algo! ¡Pues bien! Simón Bolívar, eres rico! "Tienes actual­mente cuatro millones..." No le describiré, querida Teresa, la impresión que me produjeron estas palabras, "¡tienes actualmente cuatro millones...!" Aun siendo tan espléndida nuestra lengua española, resulta, como todas las demás, impotente para traducir semejantes emociones. Los hombres las experimentan rara vez; sus palabras corresponden a las sensaciones corrientes de este mundo; la que yo sentí era sobrehumana; estoy admirado de que mi organismo haya podido resistir.

Me detengo: el recuerdo que acabo de evocar me abruma. ¡Oh!, ¡cuan lejos están las riquezas de dar los goces que ellas hacen es­perar! . . . Estoy bañado en sudor, y más fatigado que nunca lo es­tuve después de mis más largas marchas con Rodríguez. Voy a ba­ñarme. Iré a buscarla después de la cena para ir al Teatro "Fran­cés" 3. Pongo, sin embargo como condición que Vd. no me pregun­tará nada, y me comprometo a continuar esta carta después del es­pectáculo.

SIMÓN BOLÍVAR.

Rodríguez no me había engañado: yo tenía realmente cuatro mi­llones. Este hombre extraño, que no tiene orden en sus propios ne­gocios, que se endeuda con todo el mundo sin pagar a nadie, que con frecuencia se ve reducido a carecer de lo más necesario, este hombre ha administrado con tanta habilidad como integridad la fortuna que mi padre me dejó, y la ha aumentado en un tercio. Sólo ha gastado en mi persona veinte y ocho mil francos durante los ocho años que he estado bajo su tutela. Ciertamente, él ha debido poner mucho de su parte. A decir verdad, la manera como me hacía viajar era muy económica; él no ha tenido tampoco que pagar facturas muy elevadas a los sastres por mi vestimenta; y mi instrucción no era objeto de gastos puesto que él era mi maestro universal.

Rodríguez pensaba haber hecho nacer en mí pasiones intelec­tuales que, orgullosas dominadoras, regirían como esclavas a las de los sentidos. El imperio que sobre mí tomó mi primer amor, no lo había espantado menos que los dolorosos recuerdos que me condu­jeron a las puertas de la tumba, y se lisonjeaba de que mi antigua dedicación a las ciencias iba a desarrollarse al disponer yo de medios para hacer descubrimientos, y que la jamas sería en lo sucesivo el único objeto de mis pensamientos. ¡Ah! El sabio Rodríguez se en­gañaba: me juzgaba demasiado a su imagen. Yo acababa de cum­plir veinte y un años, difícilmente podía él mantenerme por más tiempo en la ignorancia de mi fortuna, pero me la hubiera hecho conocer gradualmente, y de eso estoy seguro, si las circunstancias no le hubiesen obligado a revelármela de una vez. Yo no había deseado nunca la riqueza; ella me llegó inesperadamente; yo no estaba preparado para resistir a la seducción de su goce, y me aban­doné por completo a él. Todos nosotros somos los juguetes de la fortuna; a esta grande divinidad, la única que reconozco, es a quien deben atribuirse nuestros vicios y nuestras virtudes. Si ella no hu­biese puesto un inmenso caudal en mi camino, servidor celoso de las ciencias, amigo entusiasta de la libertad, la gloria hubiese sido el único objeto de mis pensamientos, el único fin de mi vida. Los placeres ni siquiera me han cautivado, sino de una manera su­perficial. La exaltación no ha durado mucho: el hastío la ha se­guido de cerca. Dice Vd. también que me atrae más el fausto que los placeres. Convengo en ello; y es, me parece, porque aquél tiene un falso aire de gloria.

Rodríguez estaba lejos de aprobar el uso que yo hacía de mi fortuna; le parece bien que uno se arruine con instrumentos de física y experimentos químicos, pero no cesaba de vituperar los gastos que yo hacía en lo que él llama necias frivolidades. Desde entonces, me atreveré a confesarlo, desde entonces sus reconvencio­nes me fastidiaron, y me marché de Viena para librarme de ellas. Me dirigí a Londres4, donde gasté ciento cincuenta mil francos en tres meses. Me fui luego a Madrid, donde sostuve un tren de prín­cipe. Hice lo mismo en Lisboa [5]. En fin, en todas partes ostenté el mayor lujo y prodigué el oro a la simple apariencia de los pla­ceres, pero en medio de todos estos placeres permanecí frío.

Hastiado de todas las grandes ciudades que había visitado, he venido a París con la esperanza de hallar tal vez aquí lo que no he encontrado en ninguna parte, "un género de vida que me con­venga". Pero, Teresa, yo no soy un hombre como los demás, y París no es el lugar que pueda poner término a la vaga incertidumbre que me atormenta. Hace sólo tres semanas que he llegado, y ya estoy aburrido [6]. He aquí, querida amiga, cuanto tenía que de­cirle acerca del pasado; respecto al presente, no existe para mí, es un vacío completo donde ni un solo deseo puede nacer, y que no deja ninguna huella en mi memoria. Será el desierto de mi vida. Apenas un ligero deseo aflora en mi mente, lo satisfago al instante y lo que he creído desear sólo resulta, cuando lo poseo, un motivo de desagrado. ¿Los perpetuos cambios que son el fruto de la casualidad, llegarán a reanimar mi vida? Lo ignoro; pero si esto no sucede, volveré a caer en el estado de consunción de que me ha­bía sacado Rodríguez al anunciarme que yo tenía cuatro millones. Sin embargo, no crea Vd. que me rompo la cabeza en vanas con­jeturas sobre el porvenir. Únicamente los locos se pierden en es­tas quiméricas combinaciones. Sólo se pueden someter al cálculo las cosas cuyos datos son totalmente conocidos; sólo en tal caso el juicio, como en las matemáticas, puede formarse de una manera segura.

¿Qué pensará Vd. de mí? Dígamelo francamente, esto no me corregirá: creo que hay muy pocos hombres que sean corregibles, pero como es siempre útil conocerse y saber lo que uno puede es­perar de sí mismo, yo me considero feliz cuando la casualidad me presenta un amigo que me sirve de espejo.

Adiós, yo iré a cenar mañana con Vd.

SIMÓN BOLÍVAR.

* “Le Voleur”, periódico de París, de 31 de julio de 1838. De un impreso posterior a la muerte de Bolívar. La Comisión Editora ha tenido a la vista, para el texto en francés, el facsímil de aquel periódico que reprodujo el Dr. Marcos Falcón Briceño al final de su obra “Teresa, la confidente de Bolívar”. “Historia de unas cartas de juventud del Libertador”, Caracas, Im­prenta Nacional, 1955. Para la versión de dicho texto al español, se ha adoptado la que hizo el Profesor Manuel Pérez Vila para la obra “Cartas del Libertador”, tomo XII, editadas por la Fundación John Boulton, Caracas, Italgráfica, C. A, 1959, págs. 10-13.

El Dr. Lecuna publicó en “Cartas del Libertador”, tomo I, pp. 11-16, una versión española de esta carta, que se suponía dirigida a Fanny Dervieu du Villars, tomándola de una de las “Leyendas históricas” de Arístides Rojas. Posteriormente, volvió a insertarla en el tomo X, pp. 395 y siguientes, junto con otras dos cartas, una que se creía dirigida a Denis de Trobriand, y otra a la misma Fanny: estos documentos estaban incluidos en un artículo titulado Cartas del General Bolívar, que había aparecido en un periódico limeño, El Faro Militar, de junio de 1845. En el tomo X, Lecuna reproduce íntegro el artículo, haciendo esta vez, como la anterior, serias reservas acerca de la total autenticidad de los documentos cuya paternidad se atribuía a Bolívar: para Lecuna, es posible que estas cartas "no hayan sido traducidas fielmente"; pero, agrega, ellas "contienen juicios y conceptos que permiten creer que estas versiones son realmente tomadas de cartas auténticas, admi­tiendo al mismo tiempo que han sido en parte adicionadas o alteradas" ... "hay frases y expresiones propias de Bolívar y otras destinadas a producir el efecto que se deseaba cuando se hizo la publicación de ellas". Respecto al artículo intitulado Cartas de Bolívar, señala también el Dr. Lecuna los muchos y graves errores que contiene. (Véase: Cartas, tomo I, pp. 14-16; tomo X, pp. 395-409); tomo XI, pp. 4-12, y “Simón Bolívar, Obras Com­pletas”, edición 1947, I, p. 20-26.) En 1955, el distinguido historiador vene­zolano Marcos Falcón Briceño demostró en su estudio Teresa, la confidente de Bolívar, que las cartas no habían sido dirigidas, como se creyó, a Fanny du Villars y a Denis de Trobriand, sino a Teresa Laisney y a su esposo Mariano de Tristán, una hija de los cuales, Flora Tristán (1803-1844) publicó en 1838, en el periódico “Le Voleur”, de París, un artículo titulado "Lettres de Bolívar", que fue el origen de las publicaciones de “El Faro Militar”, de Arístides Rojas, Lecuna, etc. La monografía del Dr. Falcón Briceño es concluyente a este respecto, y su lectura indispensable a quien desee im­ponerse del tema. La Comisión ofrece ahora al lector el texto completo, en francés, de las cartas atribuidas a Bolívar que Flora Tristán publicó en “Le Volear”, así como la versión castellana de las mismas, tomada de la obra citada más arriba, pero haciendo suyas, sin embargo, las reservas de Lecuna y de Falcón Briceño sobre las contradicciones y errores que no permiten aceptar la total autenticidad de estos documentos.

Notas

[1] Calle de París, ubicada cerca del Palais Roy al.

[2] Se refiere sin duda a la capital de Austria. Debe decirse, sin embargo, que ningún otro documento confirma que Bolívar hubiese visitado esta ciudad.

[3] Es decir, al llamado Théátre Franfais.

[4] Como en el caso de Viena, debe observarse que ninguna otra fuente permite asegurar que Bolívar hubiese estado en Londres antes de 1810, cuando llegó a aquella ciudad como Agente Diplomático de la Junta de Caracas.

[5] Lo dicho acerca de Viena en la nota 2, se aplica también a Lisboa.

[6] De tomar al pie de la letra estas palabras, la carta debería fecharse hacia fines de mayo de 1804, pues Bolívar había llegado a París a comienzos de ese mes.

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